mercredi 25 juin 2008

Le chez-soi perdu.

Il était une fois une petite fille. Nous l'appellerons Cassandra. Pourquoi? Parce que c'est un prénom que j'affectionne énormément. Elle vivait, avec ses parents et sa grande soeur Miranda, dans une jolie maison d'un quartier aisé de Libreville. La maison, brune avec des volets jaunes, possédait deux étages habitables, un grenier, un sous-sol, et était située au bord de la route. Le jardin se trouvait à l'arrière. Une haie séparait la route et l'entrée du domaine, et de multiples variétés de plantes entouraient la maison: des bégonias, des roses, des dahlias, des pétunias, des géraniums, des fleurs de saison, et d'autres pots et arbustes. Et dans le jardin, au milieu des marguerites pullulant dans le gazon, non-loin du cerisier, une piscine pour les après-midis d'été. L'accès au jardin se faisait par la cuisine, au rez-de-chaussée, là où se trouvait également la salle de séjour, ainsi que la chambre de Cassandra. Pour monter à l'étage, on empruntait un escalier en bois, usé, qui craquait à chaque pas. Là-haut, il y avait la chambre des parents, celle de Miranda, et la salle de bain.
Cassandra était une petite fille vive et pleine d'imagination. Elle adorait le dessin, et avec Miranda, elle se confectionnait parfois des costumes à l'aide de draps, de vieilles robes, et des babioles empruntées à maman. Elle aimait les cartoons et les jeux vidéos. Elle affectionnait aussi la musique. D'abord les disques de papa et maman: les Beatles, Bob Dylan, ... puis la pop, les boys bands, la techno, et plus tard, le rock'n'roll, le punk, des musiques extrêmes, ... comme finalement beaucoup d'entre nous qui faisons partie de la génération 90's. Et comme beaucoup d'entre nous, ado, sa chambre était tapissée de posters à l'effigie de ses idoles, entre les écharpes à l'honneur de l'équipe de football britanique. Cette chambre, et tout ce qui l'entoure, cette maison, c'était sa maison, son monde, son nid douillet, là où elle a grandi... c'était chez elle.

Ceci est l'histoire banale d'une petite fille qui a vécu dans les années 90. Soit 30 ans après les Sixties, décennie qui marque l'explosion des libertés individuelles, de la reconnaissance féminine, période de révoltes de la jeunesse, une jeunesse qui en a marre du joug des traditions et des valeurs trop "catholiques" à leur goût. Autant dire qu'on a rejeté toutes les valeurs qui nous fondaient, puisque, nous le savons bien, le catholicisme nous a inculqué bon nombre d'entre elles depuis l'Antiquité. "Il est interdit d'interdire." Tout était permis à l'époque...
Les jeunes des années 60 ne sont autres que les parents de la génération 90's. En d'autres termes, ce sont nos parents. Nos parents, qui ont détruit, sans s'en rendre compte, les fondements de notre société occidentale, que nous devons aujourd'hui reconstruire.

Depuis les années 90, nous constatons la statistique suivante: un couple marié sur deux divorce (vorce). Le divorce est donc devenu quelque chose de tout à fait courant, normal, banal. Ce qui colle bien avec l'histoire de notre petite Cassandra. Comme tout couple banal de notre époque contemporaine, celui de ses parents traversa une crise qui se termina en divorce. Maman partit de la maison, et Cassandra, trop attachée à son chez-soi, resta vivre avec son père, seule, Miranda étant partie vivre avec son petit ami. Mais l'entretien de la maison demandant beaucoup d'effort et d'argent, son père la revendit, et contraigna ainsi sa fille à vivre dans un appartement du centre-ville, dans un endroit quelque peu lugubre. Si brutalement arrachée de son nid, la petite Cassandra cessa de grandir.


Ce soir, nous sommes allés faire un tour en voiture. En rentrant, nous avons fait un détour. Nous avons emprunté une route longée d'arbres et de haies en bois, pour arriver devant une maison brune aux volets jaunes. Le soleil était couché depuis lontemps, et le voisinage dormait. Sur la banquette arrière, une fillette était agenouillée et regardait à travers la vitre avec un pot pourri d'émotions: fascination, tristesse, mélancolie, dégoût, nostalgie... Elle nous a raconté quelques souvenirs, comme l'enterrement de son hamster dans le jardin, le fait qu'elle aimait momifier des cailloux avec des feuilles, avant de les inhumer à leur tour, la fois où elle a fait l'amour avec son petit ami dans la voiture à l'endroit même où nous étions arrêtés, quelques détails sur les voisins... J'ai eu cette impression que c'était la première fois que je venais chez elle. Plus que ça même: nous avons partagé un moment de profonde intimité. C'était comme si un ami immigré m'avait emmenée dans son pays pour me montrer comment c'est chez lui, à la maison.

Et vous? Êtes-vous chez vous?

1 commentaire:

Unknown a dit…

:-( (c'est tout ce que j'ai a dire)